Depuis environ deux ans, le débat sur le franc CFA (franc de la Communauté Financière Africaine en Afrique de l’Ouest et franc de la Coopération Financière en Afrique en Afrique centrale) bat son plein aussi bien à l’intérieur du continent noir qu’à l’extérieur dans ses diasporas et avec elle, la remise en question de la Françafrique. Cependant ces dernières semaines, c’est l’activiste panafricaniste Kemi SEBA qui cristallise l’attention sur le débat entourant cette monnaie des pays d’Afrique francophone, anciennes colonies françaises.
Résidant au Sénégal depuis huit ans avec sa famille, Kemi SEBA est bien connu pour son verbe sans détour, son ton sulfureux, sa fierté d’être africain et le combat qu’il mène pour conscientiser ses frères Africains et Afro-descendants sur la nécessité d’être véritablement souverains et maîtres de leur destin. «Car la souveraineté est le combat de notre génération. Et elle mérite que l’on puisse se sacrifier pour elle» a t-il affirmé sur sa page Facebook le 24 août 2017, aux lendemains d’une manifestation contre le franc CFA durant laquelle il a brûlé un billet de 5000 francs en signe de contestation.
Braver l’autorité?
Le 25 août, Kemi SEBA est arrêté par la Direction des Investigations Criminelles (DIC) du Sénégal et placé en garde à vue, suite à une plainte déposée par la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Pourtant, Kemi SEBA affirme ne pas vouloir manquer de respect aux autorités. Son acte est symbolique et il a pour but de sensibiliser l’opinion sur la question du franc CFA. Il en assure donc l’entière responsabilité. Après comparution devant le juge, le leader de l’ONG Urgences Panafricanistes fut libéré le 29 août, après un court séjour en prison.
Source Google, Kemi SEBA brûlant un billet de 5000 francs CFA, lors de la manifestation contre la Françafrique du 19 août 2017 à Dakar.
Après la prison, un court répit, puis l’expulsion du territoire sénégalais. Le 6 septembre, le panafricaniste franco-béninois est renvoyé du Sénégal vers la France pour «trouble à l’ordre public». L’expulsion de Kemi SEBA qualifiée de trahison du Sénégal envers un enfant d’Afrique est un coup dur porté au mouvement anti-CFA, mais qui ne le ralenti pas pour autant.
Qualifiée de «… scandale économico-politique d’ordre colonial qui tue (le peuple africain)», pouvait-on lire sur le site d’informations Afrique sur 7, la lutte anti-CFA prend de l’ampleur. Le 19 septembre, des jeunes africains se sont mobilisés pour une grande journée de manifestation aussi bien en Afrique, notamment au Sénégal, qu’ailleurs. Kemi SEBA qui est également journaliste sur la chaîne de télévision panafricaine Voxafrica , sur laquelle il anime l’émission Afro Pertinent, pense déjà à son retour en Afrique pour continuer le combat.
L’arrêté d’expulsion de Kemi Seba, source http://www.senego.com
Pour ou contre l’abolition du franc CFA en Afrique francophone, il n’en demeure pas moins que cette monnaie est un des piliers des vestiges coloniaux français en Afrique francophone. Il est aussi vrai que la lutte anti-CFA s’inscrit dans un contexte extraordinaire qui voit se lever depuis quelques années, en particulier, depuis 3 ou 4 ans (octobre 2014 destitution de Blaise Compaoré en tant que président du Burkina Faso, 2015-2016, mouvement anti référendum et contestations post électorales au Congo-Brazzaville et au Gabon, répression de civils au Burundi et en RDC, etc.) des mouvements citoyens avec des jeunes africains qui demandent des comptes à leurs dirigeants, veulent mettre un terme à des régimes politiques qualifiés de dictature. Une jeunesse qui semble vouloir être actrice d’un vent nouveau avec un profond désir de démocratie, de justice et de souveraineté vraies et efficaces.